François Hollande : Premier journaliste de France

« Allô ? François Hollande ? » Ce numéro-là n’a pas pu échapper aux grandes oreilles américaines de la NSA. Des dizaines de journalistes le conservent précieusement dans leur répertoire : 06 32 … … … C’est la fameuse ligne directe de sa »vie d’avant » que le président maintient malgré les mises en garde de son entourage. Quoi de plus pratique ? L’iPhone en poche, Hollande garde le contact avec ses fidèles…

Et surtout avec ses chers amis de la presse écrite et audiovisuelle ! En cas de besoin, les chroniqueurs du hollandisme, petits et grands, peuvent toujours lui adresser un texto. « En général, il répond et fixe un rendez-vous téléphonique. Discuter une demi-heure avec le président avant de pondre son papier, il n’y a pas mieux », décrypte une habituée chargée de couvrir l’Elysée :

Je préfère parler au bon Dieu qu’à ses saints. »

Porteurs de micros et plumitifs

Ah, les journalistes ! Les espions de la NSA savent sans doute que notre président de la République les adore. En pleine crise diplomatique, il trouve le temps de les prendre au téléphone pour de piquants décryptages du congrès socialiste. Sous le joug du protocole, il leur donne rendez-vous pour une discrète conversation en off. Sans se soucier du jet lag, il les débriefe dans son avion. Au plus bas dans les sondages, il les reçoit à déjeuner à l’Elysée.

Et même quand il les prend en flagrant délit de »Hollande bashing », il se garde bien de leur adresser le moindre reproche. A la différence notable de Nicolas Sarkozy qui prétendait dominer une presse dont il se méfiait, la passion de François Hollande pour les porteurs de micros et les plumitifs n’a jamais cessé. Et ne cessera jamais.

« C’est comme s’il s’était promis d’inverser sa courbe de popularité dans les rédactions, explique un chroniqueur politique. Il procède par série : il a invité à déjeuner les rédactions de BFM TV, iTélé, LCI-TF1… » Et même récemment celle de »l’Obs ». Qui n’a pas cassé la croûte avec le président depuis 2012 ? Après l’attentat contre »Charlie Hebdo », on apprenait que Hollande avait reçu à sa table l’équipe du regretté Charb quelques semaines avant la tragédie, pour parler des finances du journal.

Avant de lancer son nouveau quinzomadaire branché, la bande de »Society » a été, elle aussi, reçue à la table présidentielle. Au dessert, le président lui a lui-même soumis l’idée d’un grand entretien : en mars, »Hollande, la grande confession » a fait la couverture. Le président est accessible ! Maïtena Biraben, l’a bien compris. » Je lui ai écrit un texto : ‘Si vous voulez voir des Français, il y en a chez moi, venez dîner' », a-t-elle raconté à « Télé-Obs », avant de soutenir que ces agapes – François a rendu l’invitation ! – n’avaient aucun lien avec la participation de Hollande à son émission, en avril dernier : une interview de deux heures suivies par 1,7 million de Français…

Vive le story telling !

Hollande sait se montrer prévenant. Il s’enquiert de la carrière de l’un, interroge l’autre sur les audiences de son émission et suggère à tous des idées de papiers ou de reportages. Que distille-il entre la poire et le fromage ? »Que la prochaine présidentielle se jouera autour du thème de l’identité. Et qu’il faudra rassembler et réunir les Français », confie un journaliste invité. Le président est assez subtil pour ne pas évoquer directement sa candidature. Et pourtant télés, radios et gazettes ont largement propagé la nouvelle : François Hollande ne pense plus qu’à 2017 et repart à la conquête des Français ! Des »éléments de langage » et un programme de déplacements communiqués aux journalistes par les conseillers du Château… Histoire de bien montrer que le sortant sera le candidat naturel de la gauche et n’a pas vocation à se soumettre à une quelconque primaire. Vive le story telling !

Même au creux de la vague, le premier journaliste de France sait qu’il peut compter sur la presse. L’idylle remonte à ses débuts en politique. Chef de cabinet de Max Gallo, porte-parole de l’Elysée sous Mitterrand, il noue alors des relations avec des pros qui sont aujourd’hui encore ses interlocuteurs. Hollande, le jeune prof à Sciences Po, fournit même des chroniques économiques au »Matin », quotidien de gauche repris en main par le clan mitterrandiste. Comme porte-parole du parti socialiste puis premier secrétaire, il passe pour un excellent client : toujours la petite phrase qui convient, l’anecdote percutante dont raffolent les magazines, l’analyse politique qui bluffe les »rubricards » ou l’écho qui vient alimenter les pages de confidentiels. Un spécialiste des arcanes socialistes se souvient :

Hollande était très proche de Jospin qui ne parlait pas aux journalistes. Du coup, il est devenu la meilleure source de Paris. »

Et comme François a le don de faire rire la galerie, les reporters s’amusent tout en s’informant. »François a toujours aimé travailler avec un petit clan de journalistes », nous confirmera Ségolène Royal, quelques années plus tard. En 2005, Hollande est si confiant, qu’il pose aux côtés de Nicolas Sarkozy pour une couverture de »Paris Match » en défense du traité constitutionnel européen… Une faute politique.

Traversée du désert

Après son départ du poste de premier secrétaire, en 2008, Valérie Trierweiler, sa »journaliste préférée », l’aide à traverser le désert. Mais les confrères reviennent vite sous l’oeil courroucé de la dame. Strauss-Kahn est tombé, du coup, Hollande bénéficie d’une excellente presse auprès de tous les déçus du sarkozysme et des orphelins de DSK. Aubry, c’est bien connu, déteste les journaleux, à de rares exceptions près…

Sur le »Hollande Tour », notre consoeur belge Charline Vanhoenacker s’étonne ironiquement de la connivence entretenue avec les reporters à coups de petites récompenses (quelques minutes avec le candidat !) ou de brimades (exclusion du pool). Son papier « Ces journalistes qui se voient déjà à l’Elysée » fait scandale dans le bus des suiveurs. Hollande, lui, s’en amuse… Et au lendemain de la victoire, Manuel Valls, son efficace conseiller en communication, lui organise même un pot de l’amitié, au siège de campagne, rassemblant ceux appelés à couvrir ses prochaines aventures élyséennes. »Vous allez me manquer », lance le nouveau président.

Le journaliste « lèche, lâche puis lynche »

Hollande sait déjà qu’il ne bénéficiera d’aucun état de grâce. A l’instar de son ami Jean-François Kahn, le président n’a pas oublié que le journaliste « lèche, lâche puis lynche ». Franz-Olivier Giesbert, le patron du »Point », qui connaît et apprécie Hollande depuis des lustres, lui fait vite comprendre lors d’un déjeuner à l’Elysée que l’ère du « Hollande bashing » est ouverte ! L’hebdo de centre-droit est le premier à tirer sur le président normal, devinant qu’il ne pourra pas tenir ses promesses… La multiplication des couacs gouvernementaux et l’engagement »d’inverser la courbe du chômage » ne font qu’élargir le fossé entre François Hollande, les médias et l’opinion. Le président a beau multiplier les émissions de télé pour expliquer ses réformes, il n’imprime pas. Trop techno et emprunté, l’animal n’est pas à l’aise devant la caméra. Il préfère de loin les discussions de vive voix ou les estrades des meetings.

Une présidence normale

Pour ne rien arranger, le nouvel élu se met en tête de casser les codes. »En arrivant, il a voulu imposer un style nouveau, celui d’une présidence normale. Mais il n’occupait pas l’espace présidentiel. Les Français ne l’ont pas compris », analyse le politologue Stéphane Rozès. Et quel bazar dans son cabinet ! Quatre conseillers se disputent le dossier stratégique de la communication. L’ancien journaliste Claude Sérillon, appelé à la rescousse pour veiller sur l’image, n’a pas d’attributions définies. Et reçoit pour consigne absurde de ne pas parler aux journalistes…

Profitant du maelström qu’il a lui-même créé, le président n’en fait plus qu’à sa tête. En octobre 2013, au grand dam de son équipe, c’est lui qui décide, tout à trac, de signifier par une allocution télévisée à la jeune Leonarda, collégienne sans papiers reconduite à la frontière, qu’elle peut revenir en France… »C’est mort ! », lui rétorque l’ado, en direct, sur BFM TV. Un désastre de communication. »Hollande, qui n’était pas rassuré par Ayrault, s’occupait de tout. Et communiquait sur des affaires qui n’étaient pas de son niveau », explique un ex du staff élyséen.

Et puis il y a cette satanée vie privée. Hollande, ce grand cachottier, déteste mettre en scène son intimité… En janvier 2014, la révélation par »Closer » de sa liaison avec la comédienne Julie Gayet le tourne en ridicule devant la planète entière. Claquemuré, le président officialise sa rupture par une conversation téléphonique avec la journaliste Sylvie Maligorne, une vieille connaissance alors chef du service politique de l’AFP. Du pur Hollande…

Pour sortir de la nasse, le président profite de l’arrivée à Matignon de Manuel Valls. Son ancien conseiller en communication s’emploie – entre autres – à recadrer la com gouvernementale désormais clairement hiérarchisée et cadrée. En avril 2014, la démission d’Aquilino Morelle, conseiller politique et responsable de la communication élyséenne visé par une enquête de Mediapart sur son train de vie et ses accointances avec un labo pharmaceutique, fournit au président l’occasion de professionnaliser sa com.

Morelle est remplacé par Gaspard Gantzer, ancien condisciple d’Emmanuel Macron à l’ENA et ex-conseiller de Bertrand Delanoë et de Laurent Fabius. Le jeune homme aux allures de dandy, direct et efficace, a l’avantage de ne pas connaître Hollande et de se voir confier une claire responsabilité : devenir le principal interlocuteur des journalistes. Il confie :

La plupart d’entre eux ont vite compris qu’il valait mieux passer par moi. Mais, moi, j’ai vite compris que les plus anciens ou ceux qui le connaissent le mieux continueraient à l’appeler directement.

« Merci pour ce moment »

Le ciel médiatique ne s’éclaircit pas pour autant. En mars 2014, la sortie de »Merci pour ce moment », le best-seller de Valérie Trierweiler, est un nouveau coup de tonnerre. Qui laisse le président, accusé de mépriser les »sans-dents » sans voix… En vérité, il aurait pu poursuivre sur cette trajectoire incertaine s’il n’y avait eu un événement cathartique : l’irruption de la tragédie. En janvier, les attentats changent tout. Et le contraignent à hausser son jeu. Face à la barbarie qui a frappé »Charlie » puis l’Hypercacher, l’ex-président du Conseil général de la Corrèze finit par endosser le costume.

Sa première allocution solennelle, le 7 janvier, prononcée en direct devant 21 millions de téléspectateurs est l’acte de naissance du Hollande régalien, ce monarque républicain qui prétend protéger et rassembler. Ses proches n’en croient pas leurs yeux : même Angela Merkel pose la tête contre son épaule dans un cliché qui fera date ! La séquence, parfaitement maîtrisée jusqu’à la manifestation du 11 janvier, mettant en scène réunions de crise et prises de parole martiales, sert de modèle depuis six mois.

Un nouveau soin est apporté à toutes ses apparitions. »Le président est maître de sa communication. Et il a des idées très claires sur le sujet », précise Gaspard Gantzer. Méfiant à l’égard des gourous de la com politique, Hollande, le secret, ne s’est jamais attaché les conseils des pros et garde une dent contre Stéphane Fouks (Havas Worldwide), qu’il accuse d’avoir fait sombrer Jospin en 2002.Gantzer précise :

A ses yeux, la communication est une technique comme une autre. Mais ce n’est pas une pensée magique.

« Proximité » et « présidentialité »

Info en continu, mondialisation de l’image et règne du buzz… Hollande, tellement enclin à s’inspirer de François Mitterrand, considère que le monde médiatique a changé depuis l’époque où Jacques Pilhan, le »sorcier de l’Elysée », théorisait la rareté de la parole du président jupitérien. »On peut être président tout en restant proche, honnête et accessible », répète-t-on à l’Elysée où l’on a appris à cultiver deux vertus cardinales : la »proximité » et la »présidentialité ».

C’est à cette aune que doit être analysée, par exemple, l’introduction de la chienne Philae, charmant labrador qui présente l’avantage d’être un attribut du souverain… Et une preuve de son humanité ! Très présent sur les réseaux sociaux, Gantzer prône la réactivité : il ne faut pas laisser circuler ce qui pourrait amoindrir la légitimité du chef de l’Etat. Une équipe veille sur sa cyber réputation.

Pour accroître ses chances en 2017, Hollande soigne aussi ses relations avec les patrons des médias. Lui, président, n’avait-il pas juré de ne pas se mêler des nominations dans l’audiovisuel public ? Dont acte. Sous la houlette de son ami Olivier Schrameck, ancien dircab de Jospin, le CSA a donné des gages d’indépendance. Mathieu Gallet, marqué à droite, a été bombardé à la tête de Radio France. Et Delphine Ernotte, ex-dirigeante d’Orange, propulsée aux commandes de France Télévisions.

Mais cela n’a pas empêché le président et son premier cercle de suivre de près le processus. La nomination d’Ernotte, en particulier, n’aurait jamais été possible sans l’appui résolu d’un réseau très actif : le président du CSA, la ministre de la Culture Fleur Pellerin, l’ex-conseiller du président David Kessler et le conseiller en communication Denis Pingaud ayant tous leurs entrées à l’Elysée… Il apparaît clairement que les nouveaux patrons des antennes publiques doivent beaucoup au pouvoir en place. Et l’on voit mal comment ces puissants relais pourraient lui faire défaut d’ici à la fin du quinquennat.

Du côté du privé, le virage social libéral rassure. Les grands patrons qui dominent le paysage médiatique n’ont désormais plus guère de raison de se plaindre. Les relations sont au beau fixe avec Serge Dassault, le patron du »Figaro », qui ne tarit pas d’éloge sur un gouvernement qui lui a permis de caser 60 Rafales jusqu’alors réputés invendables. Le courant passe avec Martin Bouygues, propriétaire de TF1, qui rencontre souvent Hollande et cherche son appui. Idem pour Vincent Bolloré, aux manettes de Canal+, qui semble désireux de refréner les ardeurs persifleuses des Guignols de l’info dont la réplique de Hollande en latex – un benêt boulimique soumis aux caprices de ses femmes – désespère l’Elysée…

A l’affût, le groupe Lagardère, lui, a dépêché ses meilleurs émissaires : en avril dernier, François Hollande a été vu dans un restaurant chic parisien attablé avec Jean-Pierre Elkabbach (Europe 1) et Ramzi Khiroun (porte-parole du groupe). Avec Xavier Niel (Free), Matthieu Pigasse (banque Lazard) et Pierre Bergé (Fondation Saint-Laurent), les copropriétaires du »Monde », de »l’Obs » et de »Télérama », le président socialiste se trouve face à des investisseurs qui ont choisi de développer un pôle de presse de sensibilité sociale-démocrate. Quant à Patrick Drahi, patron de SFR Numéricâble et nouveau propriétaire de »l’Express » et de »Libé », il a opté pour le retour de Laurent Joffrin, un ami assumé du président, à la tête du quotidien… Seule ombre au tableau : la montée en puissance de Bernard Arnault. Proche de Nicolas Sarkozy, le patron de LVMH, déjà propriétaire des »Echos », vient de s’offrir « le Parisien ». Un quotidien de proximité que François Hollande a placé au coeur de sa stratégie de reconquête de l’électorat populaire. Alors à quand un déjeuner avec Arnault ? La bataille de 2017 sera médiatique et calorique !

Par Sylvain Courage

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Pourquoi le FN peut (vraiment) conquérir des régions

Le Front national peut-il remporter une ou plusieurs région(s) lors des prochaines élections du mois de décembre ? C’est ce que veut croire Marine Le Pen, qui, lors de l’officialisation de sa candidature dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie le 30 juin, a clamé haut et fort son ambition d' »empocher la région » nouvellement redécoupée. Objectif réaliste, à en croire un sondage OpinionWay pour « Le Figaro » et LCI : la présidente du FN serait en tête du second tour avec 37% des intentions de vote.

Sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, tête de liste dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, est bien placée elle aussi. Elle est créditée de 33% au second tour, selon une enquête Ifop-Fiducial pour « Paris Match », deux petits points derrière la liste de droite conduite par Christian Estrosi (35%).

Un gros tiers des voix peut suffire

Ce n’est pas la première fois que les sondages sont flatteurs pour le Front national. Et pourtant, ses espoirs de conquête se sont toujours brisés sur la réalité électorale. Lors du scrutin départemental du printemps dernier, le parti d’extrême droite n’a finalement décroché qu’une poignée de cantons, alors qu’on le disait sur le point de s’emparer du Vaucluse ou de l’Aisne. Malgré des scores élevés, le FN a perdu la plupart de ses duels de second tour.

La raison ? « On a constaté lors des élections départementales un front républicain qui a plutôt bien fonctionné », explique Jérôme Fourquet, directeur opinion de l’Ifop. « Et ceci, particulièrement à gauche, dont l’électorat s’est fortement mobilisé pour faire barrage au candidat du FN. »

Mais cette mécanique ne fonctionnera pas aux élections régionales. Et pour cause : le mode de scrutin est totalement différent.

  • Au premier tour, une liste doit recueillir au moins 10% des suffrages exprimés pour pouvoir se maintenir au second tour. Le Front national y parviendra facilement dans l’ensemble des 13 nouvelles régions de métropole (en Corse, le seuil est à 5%).
  • Au second tour, la liste arrivée en tête reçoit une prime d’un quart des sièges, ce qui lui assure la majorité absolue dans la nouvelle assemblée régionale (sauf en Corse, où le mode de scrutin est particulier).

Ce mode de scrutin a deux conséquences :

  • Il faut s’attendre à un grand nombre de triangulaires au second tour, avec des listes de gauche, de droite et d’extrême droite.
  • S’il y a trois listes, il suffit d’arriver en tête avec un gros tiers des voix pour s’assurer la majorité absolue des sièges. Si les trois listes sont à des niveaux comparables, 35% peuvent suffire. « C’est mathématique, la triangulaire rend le seuil de victoire plus bas », souligne Jérôme Fourquet.

Un seuil que le FN a déjà atteint

Ce seuil d’un tiers des voix, le Front national l’a déjà atteint à plusieurs reprises par le passé. Nous avons fait le calcul en collectant les résultats électoraux à l’échelle des nouvelles régions. La comparaison avec les régionales de 2010 n’est par pertinente, car le FN était en convalescence et Marine Le Pen n’en avait pas encore pris la présidence. En revanche, les scrutins de 2012 (présidentielle), 2014 (européennes) et 2015 (départementales) permettent de situer le niveau atteint par le Front national. « C’est un indice qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant, car chaque élection a sa logique propre, mais qui permet une évaluation du rapport de force », précise Jérôme Fourquet.

Lors de ces scrutins, le FN a dépassé le tiers des voix dans deux régions :

  • Nord-Pas-de-Calais-Picardie (36,2% aux européennes, 34,2% aux départementales).
  • Provence-Alpes-Côte d’Azur (33,2% aux européennes, 33,6% aux départementales).

Le FN est particulièrement haut dans deux autres régions :

  • Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine (29,6% des voix aux européennes, 30,7% aux départementales)
  • Bourgogne-Franche-Comté (27,8% aux européennes, 27,6% aux départementales)

Cliquez sur les régions pour découvrir le score du FN au 1er tour de la présidentielle de 2012 (Marine Le Pen), aux européennes de 2014 et au 1er tour des départementales de 2015 (source : ministère de l’Intérieur) >>

Gare aux divisions…

La route est encore longue jusqu’au scrutin de décembre, et la campagne qui commence ne manquera pas de faire bouger les rapports de force. Plusieurs facteurs vont peser. Notamment l’implantation des élus sortants, l’attractivité des têtes de liste et l’offre politique – c’est-à-dire la capacité de chaque camp à se diviser ou au contraire à se rassembler.

Les sortants sont pour la plupart socialistes et se trouvent pénalisés par l’impopularité du gouvernement. Des figures comme Valérie Pécresse (LR), Emmanuelle Cosse (EELV) et Claude Bartolone en Ile-de-France ; Marine Le Pen (FN) et Xavier Bertrand (LR) dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie ; Christian Estrosi (LR) et Marion Maréchal-Le-Pen en Paca ; Laurent Wauquiez (LR) en Auvergne-Rhône-Alpes ; Hervé Morin en Normandie, apportent une dimension personnelle forte au scrutin.

Mais ce sont surtout les divisions au sein de la gauche qui peuvent peser. « La grande question », selon Jérôme Fourquet, « est de savoir quel sera le comportement des électeurs de la liste arrivée en troisième position. Si Marine Le Pen risque de l’emporter et que le PS est très loin derrière, est-ce que l’on verra une partie de l’électorat de gauche se détourner du PS pour se reporter sur Xavier Bertrand ? Cela peut se produire, mais dans quelle ampleur ? »

Des électeurs de gauche pourraient vouloir voter au second tour contre le candidat FN, surtout s’il s’appelle Le Pen. Et il n’est pas certain que la fusion dans l’entre deux tours de listes PS, EELV et Front de gauche, parties désunies au premier tour, les convaincra que la gauche est la mieux placée pour cela.

Le politologue résume d’une formule :

Dans une triangulaire, il ne faut pas être le troisième. D’où l’importance pour chaque camp de partir uni dès le premier tour. »

Pour ce qui concerne l’Ile-de-France et les régions de l’arc atlantique, c’est le FN qui devrait logiquement figurer en troisième position. Mais pour tout l’Est de la France, les précédents résultats électoraux du FN montrent que c’est le PS qui devrait arriver troisième.

Les socialistes ont bien compris le risque. Ils tentent d’obtenir une union dès le premier tour avec les écologistes dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Paca. Sans succès jusqu’à présent.

Plus que jamais, le Front national peut donc espérer une victoire, et ce n’est pas pour rien que Marine Le Pen a pris le risque politique de monter elle-même en première ligne, un peu plus d’un an avant la présidentielle de 2017. « Pour une victoire du Front national, il faut un alignement des planètes : FN en tête, PS très nettement distancé », indique Jérôme Fourquet. On y est ?

Baptiste Legrand

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Qui est Philippe Vardon, futur allié de Marion Maréchal-Le Pen ?

Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen lui avaient toujours fermé la porte. Mais il n’en sera pas de même pour Marion Maréchal-Le Pen. La candidate pour la région Paca pourrait accueillir prochainement sur sa liste le dénommé Philippe Vardon, leader identitaire sulfureux.

Sur le plateau de BFMTV, la députée n’a pas exclu qu’il participe à sa campagne, ni tari d’éloges à son sujet :

Il est très apprécié des Niçois »

Ou encore :

Il représente un poids électoral important »

Et surtout :

Il a beaucoup évolué. »

Mais qui est exactement Philippe Vardon ?

« Je suis un enraciné »

Il est aujourd’hui le leader de Nissa Rebela, la branche niçoise du Bloc identitaire, mouvance d’extrême droite. Jusqu’à présent Marine et Jean-Marie Le Pen refusait de s’allier avec Philippe Vardon le considérant notamment « européiste » et « régionaliste ».

Marion Maréchal-Le Pen insiste désormais sur le fait que ce n’est pas le cas :

Il est très attaché à sa région, mais il n’est pas régionaliste sinon il n’aurait pas pu faire partie de notre équipe. »

Sur Twitter, Philippe Vardon abonde :

.@joelgombin Les mots sont piégés, je ne me suis jamais particulièrement défini comme régionaliste. Je suis un enraciné.

— Philippe Vardon (@P_Vardon) July 9, 2015

En octobre 2013, le leader identitaire s’est d’abord vu refuser l’entrée du Rassemblement Bleu Marine, avant de l’obtenir finalement, quelque jours plus tard. Revirement avec lequel Marine Le Pen a pris soin de se distancer, s’interrogeant dans « l’Express » :

Est-ce qu’il a fait un petit coup politique comme souvent ils font [les identitaires], ou est-ce que cela révèle un changement radical de positionnement chez des gens qui étaient jusqu’à présent européistes et régionalistes ? »

L’alliance de Vardon avec la famille Bompard à la tête de la ligue du Sud, ennemis jurés de Jean-Marie Le Pen, a également alimenté l’hostilité du fondateur du parti frontiste. Et sur ce point aussi, Marion Maréchal-Le Pen diffère. Consciente du poids électoral de l’autre formation d’extrême droite – Jacques Bompard a été élu dès le premier tour à Orange avec 59% des voix aux dernières municipales –, elle s’est échinée à trouver un accord avec la ligue du Sud.

Au sein de la direction frontiste, Philippe Vardon compte toutefois des soutiens comme Steeve Briois et Nicolas Bay, respectivement ancien et actuel secrétaires généraux du Front national.

« Grand remplacement » et « remigration »

Adepte de la théorie du Grand remplacement et de la « remigration », opposé à la construction de mosquées, il est d’ailleurs l’auteur d’un livre intitulé « L’imam Estrosi, demain à Nice 20 mosquées ? », dans lequel il accuse le maire de Nice de soutenir « l’islamisation » de sa ville.

Sur son site, Nissa Rebela se présente comme « la voix en Pays Niçois du mouvement de reconquête identitaire amorcé aux quatre coins de l’Europe ».

En 2011, le groupuscule a défrayé la chronique en rebaptistant, le premier jour du ramadan, des rues du centre-ville avec les expressions suivantes : « rue de la Lapidation », « rue des Frères musulmans » et « rue de la Burqa ». La ville avait porté plainte. La même année, au lendemain des cantonales, son leader incitait ses militants à être « les dénonciateurs de la fracture ethnique » et « les défenseurs des petits Blancs ».

« Immigration, islamisation, insécurité, impôts : basta, la seule opposition », pouvait-on aussi lire sur les tracts de Philippe Vardon pendant la campagne des élections municipales. Sa liste a tout de même obtenu 4,43% au premier tour.

Chaque année, il défile aux flambeaux dans les rues niçoises pour « rendre hommage » à Catherine Ségurane, du nom de cette lavandière qui s’éleva selon la légende contre les armées franco-turques lors du siège de Nice en 1543.

Condamné pour incitation à la haine

Philippe Vardon, aujourd’hui âgé de 34 ans, est l’ancien porte-parole des jeunesses identitaires, il a également fait un passage au GUD, syndicat étudiant aux actions musclées, et poussé la chansonnette dans le groupe de rock identitaire « Fraction », avec Fabrice Robert, qui dirige aujourd’hui le Bloc identitaire.

Pour compléter ce CV fourni, il faut également mentionner que Philippe Vardon a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amendes pour incitation à la haine raciale et reconstitution de ligue dissoute. Les jeunesses identitaires ayant été considérées en 2007 par le tribunal de grande instance de Nice comme une émanation d’Unité radicale, dissoute par le gouvernement en 2002 après l’attentat de Maxime Brunerie contre Jacques Chirac.

Cette alliance en préparation avec Marion Maréchal-Le Pen inscrit une nouvelle fois la jeune députée dans la frange la plus dure du parti frontiste. Elle joue d’ailleurs beaucoup sur les thématiques identitaires depuis son entrée en campagne. Elle a ainsi dénoncé, lors de son premier meeting au Pontet (Vaucluse), le « remplacement continu d’une population par une autre, qui apporte avec elle ses valeurs et sa religion ». La présidente du FN, n’a pour l’instant pas commenté ce rapprochement.

Estelle Gross

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La réforme territoriale, une vraie source d’économie

Par André Vallini, Secrétaire d’Etat à la Réforme territoriale

Vue de l'hémicycle de l'Assemblée nationale, en juillet 2015. REUTERS/Jacky Naegelen

L’Assemblée nationale comme le Sénat viennent d’adopter la loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (Notre). Les deux Chambres, et c’est à noter, ont ainsi réussi à trouver un accord sur cette étape majeure de la modernisation de notre pays. Après la nouvelle carte des régions adoptée en décembre dernier et après la loi de janvier 2014 sur les métropoles, elle constitue le troisième et dernier volet de notre réforme territoriale.

Que ce chantier législatif d’envergure ait fait l’objet de longs débats et de nombreuses critiques n’a rien de surprenant dans un pays aussi enclin à réclamer des réformes que prompt à les entraver dès qu’elles sont annoncées. Les obstacles furent donc nombreux.

Le calendrier tout d’abord. Avec ce reproche :on aurait agrandi les régions avant de les avoir renforcées.

Faut-il rappeler que les deux projets de loi, sur la carte et sur les compétences, furent présentés au cours du même conseil des ministres le 18 juin 2014, mais que la réalité du travail parlementaire exigeait qu’ils fussent examinés l’un après l’autre ?

Tout était donc « sur la table » depuis le début et c’est en connaissance du texte sur les compétences que le législateur a examiné celui sur les périmètres. Il est au demeurant certain que si nous avions fait le choix inverse, on nous aurait dit qu’il fallait d’abord connaître les compétences des nouvelles régions avant d’envisager de les agrandir…

Lire aussi : Que change la loi pour les collectivités territoriales ?

Autre reproche sur le calendrier :la réforme aurait été précipitée. Faut-il rappeler que les rapports qui se sont succédé ces dernières années (Mauroy en 2000, Balladur en 2008, Raffarin-Krattinger en 2013) plaidaient invariablement pour une clarification de notre organisation territoriale, une affirmation des métropoles, un renforcement des régions, une évolution des départements ?

Il nous aura fallu deux ans pour mener à bien tous ces chantiers législatifs : qu’aurait pu apporter une prolongation du débat ? Les enjeux auraient-ils été différents ? Les points de vue se seraient-ils rapprochés ? Les positions des uns et des autres auraient-elles convergé ? Les départementalistes auraient-ils cédé aux régionalistes ou l’inverse ?

La réalité est d’une part qu’il n’y a pas de carte idéale et qu’aucune n’a jamais fait l’unanimité et d’autre part que l’avenir de chaque échelon territorial est le plus souvent envisagé à travers un prisme déformant, celui de la collectivité à partir de laquelle on se place et surtout dans laquelle on est élu…

Quant au sens qui ferait défaut à notre réforme, il est clair et répond à trois exigences.

D’abord une exigence démocratique : la clarté. Il faut rendre notre organisation plus lisible par les citoyens, en vertu du principe qu’énonce l’article 15 de la Déclaration de 1789 : « la société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ».

Ensuite une exigence économique : la compétitivité. Avec notre réforme, des régions fortes seront les moteurs du développement économique et elles exerceront toutes les compétences de nature à renforcer l’attractivité de nos territoires.

Enfin une exigence de service public : l’efficacité. Et comme il n’y a pas d’efficacité sans proximité, nous allons renforcer et agrandir les intercommunalités pour qu’elles correspondent aux bassins de vie et soient, davantage encore qu’aujourd’hui, en mesure de répondre aux attentes croissantes de nos concitoyens.

Quant aux départements, ils seront à la fois confirmés dans leur rôle de garants des solidarités sociales et confortés dans celui de garants des solidarités territoriales. C’est dans quelques années que, les régions et les intercommunalités ayant acquis leurs nouvelles dimensions, la question pourra se poser de l’évolution des départements. Et on pourra alors envisager, selon les territoires, une évolution différenciée de notre organisation territoriale : la France n’a plus besoin en effet, d’être administrée de façon uniforme de Lille à Perpignan et de Brest à Strasbourg ; ni l’unité, ni l’indivisibilité de la République n’en seraient menacées.

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Reste la question des économies attendues de cette réforme qui, comme l’a dit Manuel Valls, illustre aussi notre volonté de réduire la dépense publique.

Faut-il rappeler que les Français font de ces économies, tous les sondages le confirment, l’objectif premier de la réforme ? Certes, elles n’apparaîtront pas en six mois, mais elles n’en sont pas moins certaines sur le long terme par économies d’échelle, suppression de doublons et rationalisation de la dépense publique locale.

Nous dénonçons tous, suffisamment et à juste titre, le court-termisme de la vie politique pour ne pas saluer une réforme dont les effets budgétaires se jouent sur une décennie.

Enfin il faut répondre à ceux qui disent que cette réforme remettrait en cause rien moins que les identités de nos territoires. Outre que l’on peut disserter à l’infini sur ce qui constitue ces identités, faut-il rappeler que la réforme territoriale, ne vise en aucune manière à gommer ou à effacer ces identités ? Ces identités, qui remontent pour la plupart aux provinces de l’Ancien régime, ont traversé la Révolution française, une Restauration, deux Empires et cinq Républiques. Elles sauront survivre à cette réforme administrative.

Mais ce qui est vrai aussi, c’est que depuis des siècles, c’est toujours en réformant son organisation que la France a avancé : à la fin du Moyen-Âge pour affermir la monarchie face aux féodalités, elle a créé l’Etat. Au tournant de la Révolution, pour affirmer partout l’Etat, elle a unifié les territoires de la République. À la fin du XIXe siècle, pour consolider la République, elle a inventé la démocratie locale. Après l’alternance de 1981, pour renforcer la démocratie locale, elle a lancé la décentralisation. C’est une nouvelle page de cette histoire qu’il nous revient d’écrire aujourd’hui.

Quant à ceux qui déplorent une réforme partielle ou insuffisante, ils doivent savoir que le grand soir territorial n’est pas plus réaliste que le grand soir fiscal. D’autant que les débats ont montré que, quelle que soit l’audace réformatrice du gouvernement, elle rencontre toujours de nombreuses résistances. Même au Parlement… Alors faut-il s’en affliger ? Non. Il faut réformer progressivement notre pays et avancer dans la bonne direction. C’est ce que nous faisons avec notre réforme. La tâche est certes difficile. Mais à tous les conservatismes et à tous les corporatismes nous avons opposé notre détermination. Comme demain nous opposerons notre résolution à tous les scepticismes et tous les immobilismes.

Les grands pays d’Europe ont fait ou sont en train de réaliser leur réforme territoriale. La France ne pouvait plus attendre.

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La question d’un plan de départs agite Radio France

Dans un studio d'enregistrement de la Maison de la Radio, à Paris, le 16 avril 2015.

« Une vision comptable étriquée et néfaste. » C’est en ces termes que les élus du comité central d’entreprise (CCE) de Radio France ont éreinté, mardi 21 juillet, les projets de leur direction, qui envisage « un éventuel plan de départs volontaires de 350 postes », comme le précisait récemment Mathieu Gallet dans un entretien au Monde.

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Trois mois après la fin de la longue grève qui a paralysé les antennes publiques, en mars et avril, la question de l’emploi ressurgit au sein de la Maison de la radio, à Paris. Les termes de l’équation sont connus : Radio France a inscrit, dans son budget initial pour 2015, un déficit de 21 millions d’euros, et prévoit un retour à l’équilibre « à horizon 2017 », comme le lui a demandé le gouvernement.

Aux yeux de la direction, un effort sur la masse salariale est inéluctable. Celle-ci représente 55 % des charges de l’entreprise. Les équipes de Mathieu Gallet estiment qu’il faut économiser 24 millions d’euros sur les charges de personnel. Une provision de 28,5 millions d’euros a été prévue en 2015 pour parer au coût de cet éventuel plan de départs, et la trajectoire envisagée prévoit un retour aux bénéfices en 2017.

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Mesures d’économies

Mais des experts mandatés par les élus, issus du cabinet Tandem, émettent des doutes sur cette perspective. Dans un rapport que Le Monde a pu consulter, ils estiment qu’une partie des économies prévues par la direction de l’entreprise sont hypothétiques et que « le retour à l’équilibre des comptes de Radio France ne paraît pas atteignable en 2017 ».

Mardi, la direction de l’entreprise a précisé quelques-uns des mesures d’économies qu’elle étudie : arrêt des émissions en ondes moyennes, fin 2015, et des longues ondes, fin 2016, révision du mode de diffusion de la radio Mouv’ (si l’objectif de 1 % d’audience n’est pas atteint mi-2016), économies sur les abonnements à la presse, réduction des CDD et des piges.

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Surtout, les experts du cabinet Tandem ont jeté une pierre dans le jardin de Mathieu Gallet en estimant qu’« un plan de départs volontaires n’est pas inéluctable, si le retour à l’équilibre est reporté à 2018 ». Ils s’appuient sur une estimation de l’« effet de noria », qui consiste à évaluer les économies engendrées par les départs en retraite de salariés, et leur remplacement par des employés plus jeunes, a priori moins bien rémunérés.

Poursuite des échanges

En conjuguant cet effet à une politique de remplacement d’un seul départ en retraite sur deux, le cabinet Tandem juge que l’économie générée se situe entre 23,2 millions d’euros et 38,1 millions d’euros sur la période 2015-2019, et que cela peut donc permettre à l’entreprise de retrouver l’équilibre en 2018.

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Au-delà de cette argumentation comptable, les experts assurent que la « mise en œuvre trop rapide d’un plan de départs volontaires casserait la dynamique impulsée par la mise en place de groupes de travail » qui réfléchissent actuellement, sous l’autorité d’un médiateur, à la réforme des modes de production, au réseau France Bleu et à la politique musicale.

Le médiateur nommé par le gouvernement, Dominique-Jean Chertier, doit achever sa mission vendredi 24 juillet, mais il est prévu que ces groupes de travail poursuivent leurs échanges à la rentrée. Comment déterminer une organisation-cible sans que ces discussions soient allées à leur terme ? C’est l’argument de bon sens repris par les élus, qui préviennent également que « le climat social rend irréaliste la mise en place d’un plan de départs volontaires », dans une entreprise encore très marquée par le conflit du printemps.

C’est pourquoi les syndicats ont demandé mardi aux administrateurs de Radio France « d’étudier l’hypothèse d’un retour à l’équilibre en 2018 sans plan de départs ». Une hypothèse dont la direction a estimé, mardi soir, qu’elle « mérite d’être approfondie ». « La question sera examinée avec les administrateurs, lors du prochain conseil d’administration du jeudi 23 juillet », a indiqué Radio France dans un communiqué.

Question de confiance

De son côté, Fleur Pellerin a précisé qu’il n’y avait « pas d’injonction ». « Je n’ai jamais dit qu’il fallait revenir à l’équilibre le 31 décembre 2017, a déclaré la ministre, mercredi matin sur France Culture. J’ai parlé d’horizon 2017, pas de date butoir. » « Il n’y a pas de tabou à examiner un scénario de retour à l’équilibre ultérieur », a-t-elle ajouté, tout en prévenant vouloir avant tout « un scénario crédible ». Au ministère, on assure que cette approche est partagée par Bercy.

De nouveau, la question est donc celle de la confiance envers la direction de Radio France et notamment son président, même si Fleur Pellerin répète qu’elle refuse « la personnalisation des choses ». Le jeu médiatique entre un PDG qui renvoie les arbitrages à « la tutelle » et un ministère qui affirme avoir été clair dans ses orientations, exprimées en avril dans une lettre de cadrage, menace de reprendre à tout moment.

Mais cette fois, les deux parties se disent d’accord pour étudier la piste proposée par les élus. Cela fait écho aux conclusions du médiateur, qui devrait insister, dans son rapport présenté au conseil d’administration jeudi, sur la nécessaire réforme de l’entreprise, dans un esprit de concertation avec les salariés. Ce qui semble indispensable pour éviter un nouveau conflit à la rentrée.

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